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Annie-Soleil Proteau publie un texte bouleversant en hommage à sa grand-mère décédée en pleine pandémie

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Annie-Soleil Proteau a réussi à nous tirer quelques larmes des yeux en publiant un texte bouleversante mais magnifique, pour rendre hommage à sa grand-maman Lucienne décédée il y a quelques semaines, en pleine pandémie.

Voici la publication qu'elle a faite sur sa page Facebook, mardi:

« Lucienne aime les fleurs. Elle les aime en couleurs, joyeuses et belles. À la fête des Mères, quand on marche du métro Lionel-Groulx jusque chez elle, on s’arrête toujours au marché Atwater pour lui en acheter.

Chaque rose, chaque tulipe, chaque œillet, c’est un mot d’amour qu’on n’ose pas lui dire. Les sentiments, ça fait rougir ses yeux bleus. Ça lui bouscule le cœur, trop patché plein de trous par la vie qui l’a brassée.

Lucienne aime les fleurs. Dimanche, on a pas pu lui en offrir. La dernière fois qu’elle en a reçu, c’était le 20 mars. À ses funérailles.

6 jours plus tôt, la veille de sa mort, François Legault déclarait l’état d’urgence au Québec.

Au salon funéraire, on était juste nous. Les enfants, les petits-enfants, certains des gendres et des belles-filles. Ensemble... mais tellement seuls. Chacun dans son coin du salon, chacun assis sur sa petite chaise de velours beige.

C’était dur. Dur de voir ma grand-mère belle comme pour Pâques dans sa robe rose, mais figée dans la mort.

C’est une peine qui s’est traversée sans toucher, sans caresse, sans main à tenir. Il y avait si peu de personnes, et tant d’absence de ceux qu’on aurait normalement espérés. Mais c’était ce qu’il fallait faire. Le réconfort qui nous aurait fait du bien, il n’a pas existé... parce qu’il aurait pu faire du mal.

C’était dur de ne pas vivre la bonne émotion. D’être étouffé dans la peur de peut-être contaminer ceux qu’on aime et de ressentir très fort cette terreur, au lieu de ne penser qu’à ma grand-mère.

C’était dur de ne pas pouvoir montrer tout mon amour à ma mère et mes trois tantes, bouleversantes de douleur et de beauté quand elles se sont agenouillées en pleurant sur le cercueil de leur mère. Son Elvis chantait Amazing Grace, et pourtant on était tous pas mal perdus.

Lucienne aime les fleurs. Dans les derniers jours de sa vie, chaque rose, chaque tulipe, chaque œillet, s’est changé en un vrai mot d’amour, qu’on a enfin osé lui dire.

Et dimanche à la fête des Mères, j’ai fait jouer son Elvis. Mama liked the roses. Sur la petite marche devant l’escalier brun du 3709 Ste-Émilie, j’ai laissé des fleurs pour elle. Des fleurs en couleurs, joyeuses et belles, comme l’autre vie que, je l’espère de tout mon cœur, Lucienne peut enfin vivre.

** Ma grand-mère a eu six enfants, qu’elle aimait tous, et qui lui ont tous donné des moments de bonheur.

Sur la deuxième photo, ce sont trois de ses filles : ma tante Lorraine, ma mère Diane, et ma tante Johanne. La photo remonte à il y a longtemps. Mais ce qui les unit sera là pour toujours. Les Lucienne’s Angels. À la fin, elles sont toutes un peu devenues la mère de leur mère. Spécialement Johanne, qui a tellement donné et pris soin d’elle. Grâce à elle, ma grand-mère est restée à la maison jusqu’à son dernier souffle. Le rôle d’aidant naturel mérite tellement plus de reconnaissance.

À vous tous qui avez perdu quelqu’un pendant la crise, ce que je veux vous dire, c’est ça : vous n’êtes pas seuls. Quand on va se retrouver, on va être plus fragiles. Mais on va aussi être plus forts en même temps. Pis on va s’aimer comme si y avait pas de lendemain... sauf qu’il y en aura plusieurs, lendemains. 

Aux mamans, et à vos enfants, j’espère que vous avez passé une belle fête des Mères.

À ma mère, la digne fille de Lucienne, la battante, la forte, l’étincelle : je t’aime.

Oh, mama liked the roses She grew them in the yard But winter always came around And made the growing way too hard

Oh, mama liked the roses but most of all she cared About the way we learned to live And if we said our prayers

You know I kept the family Bible With the rose that she saved inside It was pressed between the pages Like it had found a place to hide

Oh, mama liked the roses in such a special way We bring them every Mother's Day And put them on her grave Oh, mama liked the roses 

* J’ai écrit ce texte à la fête des Mères. Je ne l’ai pas publié - je trouvais ça triste pour un jour de fête. Mais on est si nombreux à vivre ça, que je me dis que si ça peut aider une seule personne à se sentir moins seule... »

Lucienne aime les fleurs. Elle les aime en couleurs, joyeuses et belles. À la fête des Mères, quand on marche du métro...

Posted by Annie-Soleil Proteau on Tuesday, May 12, 2020

« J’ai mis ton Elvis dans le tapis, sa voix résonne fort dans toute la maison.
Let’s not let a good thing die... Je pleure de peine. Je pleure de colère. Je te pleure.

Ce matin, ma mère et moi on était couchées dans ton lit, juste à côté de toi. Chez toi. Après la dernière injection de morphine qu’on s’est relayées pour te faire la nuit, avec mes tantes Johanne et Lorraine, ta respiration avait changé. Ma mère te flattait. On savait. Et tout doucement, à 5h55 ce matin, ton cœur s’est arrêté.
Ton cœur, dont tu aurais tant voulu pouvoir te déploguer parfois. Parce que la vie l’a bardassé ton cœur, elle t’a fait souffrir si longtemps que les sentiments, même les plus beaux, ce n’était pas facile à vivre pour toi.
Tu as été victime de ton époque. Avec 6 enfants, que tu aimais profondément et du mieux que tu le pouvais avec tes blessures, il n’y avait pas de choix possible. Pour le meilleur et pour le pire... Le pire t’a brisée. Et ça me rentre dedans terriblement.
And the mama cries
In the ghetto
Je t’admirais tellement, Memère. Tu riais tout le temps. Même dans les tremblements de terre qui cassent tout, ton rire était ce qu’on entendait. Tu étais comique aussi ! Tu haïssais ton nom, Lucienne, alors tu signais Rachel dans mes cartes de fête. Tu ne manquais pas une game de Canadien, mais fallait pas qu’ils perdent. Tu trouvais que Pâques c’était fait pour commander des mets chinois du Silver Dragon. Tu aimais le poker et il fallait jouer sérieusement pour que tu battes tout le monde avec une sérieuse victoire. Tu m’encourageais à déjeuner aux chips all dressed et aux chocolats Lindt qu’il y avait toujours sur ta table. Tu adorais les animaux, de mon petit René à tes bibelots de chats Himalayens. »

« Je pense que tes dernières années ont été un peu plus douces, et c’est grâce à ta fille, ma tante Johanne. Elle ne t’a jamais quittée. Toute sa vie, elle l’a vécue avec toi, en habitant dans ton logement. Elle avait tout pour être heureuse ailleurs. Un chum, une belle carrière, la santé, l’amour des voyages. Et elle a décidé de mettre ses rêves sur pause pour n’en réaliser qu’un seul : que tu puisses enfin connaître la paix. Johanne a donc été ta colocataire, puis ton aidante naturelle. Elle t’a offert le plus beau cadeau, avec tes autres enfants. Mourir dignement, et dans ta maison.
Love me tender
Love me true
La beauté de ce qu’elle a fait, la grandeur... Il n’y a pas de mots assez forts pour ça.
Les derniers jours ont été Le Monstre à La Ronde. Monstrueux autant de déprimes, que monstrueux d’amour. Des montagnes russes de beauté, mais avec de grands vents dans la face.
Toute ta famille était là. Ressoudée. Tes filles, Johanne, Diane, Lorraine, qui sont restées jour et nuit à prendre soin de toi comme si tu étais leur petit bébé. Denise, qui t’accompagnait dans ses prières. Tes fils, Ghyslain, ton Ti-Gars, et ton grand Michel. Tes petites-filles, ton arrière-petite-fille, tes gendres, ta belle-fille... TOUS ENSEMBLE POUR TOI.

Ce soir, je vais promener mon petit ourson sur tes traces. On va s’arrêter au coin de Ste-Émilie et Bourget, là où tu as vécu presque toute ta vie. Je vais lever un Crème Soda vers le ciel, et je vais te dire à quel point je t’aime, Memère. À quel point ton malheur ne peut pas avoir été en vain. À moi, et à toutes tes petites-filles, tu nous as ouvert la voie, pour que nous, on ait le choix. Pour le meilleur. Et fuck le pire.
We’re not caught in a trap
We can walk out

Lucienne Rachel Labrèche. La Bine. Avec tes belles jambes et tes diamants bleus... Tu resteras à jamais la reine de St-Henri.
I’ll go walking thru
Searching for you
In the cold St-Henri rain ?

On te disait, dans les derniers moments, que ton Elvis t’attendait. En voyant tes grands yeux bleu ciel, je suis certaine qu’il t’a aimée en retour. Et qu’il te le chantera longtemps.
Take my hand, take my whole life too
For I can’t help
Falling in love with you »


Source: Facebook Annie-Soleil Proteau